Gagner une guerre moderne
- 4 minutes de lecture - 849 mots- Colonel, Messieurs, bonjour.
- Major, expliquez-nous comment on devrait s’y prendre dans cette foutue guerre au milieu de ces foutues montagnes désertiques. Le général a exigé des changements après l’embuscade qui a fait 15 morts, et m’a dit de vous utiliser.
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Comme vous le savez, on ne peut pas faire la nuit de l’anti-terrorisme et le jour de la contre-insurrection: être le jour votre ami, et la nuit, l’assassin de votre oncle ou de votre neveu. Le premier implique des assassinats ciblés et beaucoup de morts collatéraux ; par exemple, un tir de drone sur un mariage pour tuer dix chefs et une vingtaine d’enfants.
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On ne rate pas de cibles, quitte à en faire trop.
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La contre-insurrection suppose que les habitants nous aiment bien. Elle implique des projets de développement : réseau de route, d’eau, d’électricité, de télécommunication, de formation, de soin… On doit faire le moins de morts possibles, de plus, on ne tire pas sur un symbole, comme un lieu de culte, même si c’est une cache d’arme.
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Le but est d’éviter d’en faire trop, quitte à rater des cibles.
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Le but est d’être plus apprécié que l’adversaire.
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Tout le monde sait cela, mais entre la théorie et la pratique…
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Je vous propose d’aller plus loin encore : celles des méthodes d’un État Policier. Un maintien de l’ordre musclé sera toujours préférable à une opération militaire, pour briser le cercle de la vengeance.
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On fait déjà : il y a déjà le support de la gendarmerie pour le relevé d’empreintes et d’ADN, après un échange de tir. On a même des formations du GIGN pour certaine intervention délicate.
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Je ne vous propose pas les méthodes de police française, mais celle d’un État Policier : une surveillance généralisée à l’américaine.
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Comment ça ?
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Les satellites Pléiade et Helios cartographie le pays toutes les heures. Ils peuvent voir les véhicules sur les routes. Couplé à un fichage des véhicules au sol (reconnaissance d’images, de plaque et puce NFC) lors des contrôles routiers, on peut en déduire quels véhicules a voyagé et où.
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OK
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Ensuite, on fournit un réseau 3G utilisable par tous à prix modique, pour récupérer les graphes d’interaction social et des écoutes.
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Qui appelle qui et d’où, en gros ? Vous voulez aussi créer un réseau social local ?
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Non, les contrats avec Palantir et Facebook sont moins coûteux.
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Et en cas d’usage de radio plus classique ?
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Les satellites radio Ceres permettent déjà cette cartographie. On complète cela avec le fichage de la population : visage, empreinte, ADN. L’ADN permet aussi de récupérer une part de la filiation.
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Cela nécessitera beaucoup de travail au sol.
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Surtout au checkpoint et dans les zones tendues. Et uniquement au début.
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OK
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Ensuite, les enquêtes se font comme en France avec l’accès open-bar à ces bases de données. Cela devient plus facile de trier les villageois : ennemis ou civiles.
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C’est effrayant votre truc. J’adore.
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C’est moins effrayant que le vrombissement persistant des drones à missiles.
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Vous voulez une surveillance généralisée gros grain depuis l’espace, fin sur les réseaux de communications, couplé avec des infos précises mais localisées du terrain et un fichage complet de la population.
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Oui comme les lecteurs NFC dans les chaussées, les caméras aux checkpoints, et les camions à imagerie par rayon pour vérifier les cargaisons.
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C’est parfait tout ça pour le futur dictateur qui règnera ici.
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On peut aussi se servir du système pour les crimes de droits commun, c’est bon pour la contre-insurrection. On a prévu un “kill switch démocratique”. Une fois activé, le système ne gardera qu’un fichier d’immatriculation de véhicule, le système de carte d’identité numérique et les casiers judiciaire avec empreintes biométriques.
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Mais pourquoi faire ?
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Cela mettait trop mal à l’aise les geeks dont nous avons besoin pour tout faire fonctionner. Snowden n’est pas vu comme un traître partout.
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Virez-les !
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Non, on a besoin d’eux.
Des années plus tard :
- Mes amis, au nom des habitants de notre pays, je vous remercie de votre action pour libérer les forces démocratiques populaires. Les élections se sont merveilleusement bien passées. Pour moi. Colonel, Major, félicitation pour votre système. “L’œil de Damoclès” a su éviter un grand nombre de morts dans nos rangs. Je vous présente le nouveau ministre de la sécurité, très intéressée par sa prise en main.
- (Tu m’étonnes…)
- Mais je ne vois que 200 000 fiches individuelles, c’est un peu vide, c’est normal ?
- Oui le kill switch démocratique a été activé, il ne reste que les fiches des condamnés, des véhicules et des anciens combattants.
- Mais on m’avait assuré ! Que…
- Il y a dû y avoir une erreur… j’avais aussi fait des promesses.
- Major, je dois vous parler seul à seul attendez-moi a la fin de cette réunion.
- Bien Colonel.
Une fois, seul :
- C’est de l’insubordination !
- Ce sont les droits de l’Homme. M’enfin, les sauvegardes distantes existent toujours, cela servira quand on devra y retourner…
- Admettons. Passons à autre chose : vous avez un entretien de prévu, en France, avec la DGSI et la Direction générale de la Police nationale pour leur présenter votre système.